Lamentations auprès des pavés

Publié le par Ming WANG

Lamentations auprès des pavés

Et moi qui pensais que plus rien ne saurait m'émerveiller.

Mais voilà que je me suis surprise à parler aux pavés de ma cour préférée ; celle qui, dotée de quatre bancs sévèrement espacés, inspire de l'oxygène et de la bohème.

Ceci en dépit de l'inexistence de verdures et des nombreux immeubles qui l'entourent - aux appartement métalliques, facile à épousseter et où il semble difficile d'y développer de la moindre générosité.

C'est pourtant dans cette place pavée que l'idée de méditer me paraît intelligente et possible. C'est pourtant là que je peux retrouver la sérénité, qui s'accommode bien avec ce qu'on peut appeler le sommeil éveillé, si propice aux rêves.

Parfois même, si l'air y est suffisamment doux et si la cour ne s'embarrasse pas d'autres personnes sonorisantes, alors, il me semble parfois que je suis bel et bien en train de rêver. Et rêver de rêver, c'est presque déjà rêver.

Discussion avec les pavés.

A un pavé, juste à côté de moi : Je t'aime toi car mon pied est déposé sur toi.

A un pavé situé de l'autre côté de la cour : Je t'aime toi car tu es loin de moi, alors forcément tu* es mieux que lui.

A tous les pavés de la cour : Mais au fond, vous vous ressembler absolument tous. Et je n'ai pas raison d'en préférer un, plutôt qu'un autre. Aucun d'entre vous ne pourra me flatter ou me nourrir - satisfaire mes vrais besoins d'humains. Voyez comme je parle, quoiqu'il en soit, je n'ai pas de grandeur d'âme et suis strictement intéressée. Nous ne serons jamais fondamentalement amis.

Tout de même, à défaut d'humains - encore heureux que les habitants des immeubles métalliques ne se prennent pas l'envie de sauter de leur balcon, de s'éloigner de leur télévision bourgeoise et de méditer près de moi - et à défaut de vrais arbres ou même à défaut de vrais pissenlits, je suis heureuse de pouvoir partager avec les pavés ce que je ressens sur ma nature humaine.

*le pavé sur lequel j'ai le pied déposé.

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